À pas de puffins

L’été dernier, pour la première fois, j’ai enfin pu observer de mes propres yeux les mascottes de la classe aviaire, les chouchoux clownesques du Nord, les perroquets de mer… Eh oui, je parle bien sûr des macareux moines, ou Atlantic puffins en anglais (un nom qui leur convient bien, je trouve, qui sonne rond et coloré).

Ma première rencontre avec un macareux, sur l’île de Lunga, en Ecosse

Cette espèce d’oiseau passe le plus clair de son temps en haute mer, mais rejoint la terre ferme pour la période de reproduction, nichant alors dans des terriers, notamment sur les côtes d’Islande, d’Irlande… et d’Ecosse. Ça me semblait être l’oiseau de circonstance pour le premier véritable article de ce blog, puisque j’ai décidé ce printemps de redébarquer en terres bloguesques après un long exil. 😉

Cela faisait plusieurs années que j’espérais croiser la route de puffins, mais mon timing n’était jamais bon. En Ecosse, ces oiseaux de mer font leur apparition dès fin avril dans certaines régions, et repartent début août. En juillet 2018, j’étais enfin au bon endroit au bon moment, et j’ai eu l’immense plaisir de pouvoir rendre visite à la colonie de puffins de Lunga, dans les Treshnish Isles. Ces petites îles inhabitées de l’ouest de l’Ecosse font partie des Hébrides intérieures, et se situent à seulement 5 km de Mull, et à une dizaine de kilomètres de l’Ulva écossaise. Je me devais donc de leur consacrer l’un des premiers articles de ce blog. En effet, les îles de Mull (Ecosse) et Rakiura (NZ), les “grandes” voisines des îles Ulva, abritent toutes deux des espèces emblématiques que je rêvais de voir: les puffins au Nord, les kiwis au Sud. Ces deux rêves se sont concrétisés, et je pense qu’un jour, je ferai bien évidemment un article dédié à l’étrange kiwi… Mais commençons par notre ami le macareux!

Sur Lunga, les macareux sont relativement peu farouches et un grand nombre de terriers sont situés à deux pas des sentiers.

Ce qui interpelle tout de suite avec les puffins, c’est leur attitude, leurs mouvements à l’allure maladroite. Déjà depuis le bateau, alors qu’on approchait de Lunga, on pouvait apercevoir quantité de macareux en vol et sur l’eau, l’air trapu, battant vite des ailes, leurs pattes orange vif écartées à l’approche de l’amerrissage. Puis, une fois sur l’île, ça “roucoule” de partout, des petits “arrr-ouh” étouffés provenant des terriers, avec des puffins sautillant de tous les côtés. Les voir se dandiner sur l’herbe, sautiller pour se déplacer le long de la falaise, est vraiment un spectacle dont il est dur de se lasser. D’autant plus que la colonie est active! Même si certains puffins semblent profiter tranquillement de la vue, parfois couchés dans l’herbe, la plupart ne paraissent jamais oisifs: ça se nettoie, se gratouille, secoue les ailes,… Les parents qui nourrissent encore leur jeune font d’incessants allers-retours vers leur terrier, le bec rempli de poissons.

Puffin se dégourdissant les ailes sur son coin de falaise.
Les plumes des ailes, ça s’entretient!

Première observation: ces pensionnaires estivaux de Lunga n’ont visiblement pas peur des visiteurs à deux pattes armés de leurs appareils photos et enveloppés dans leurs K-way colorés. Si certains font quand même mine de se cacher à l’arrivée d’un humain, il suffit de se poser deux minutes pour les voir réapparaître et reprendre leurs activités.

Un puffin jouant à cache-cache dans les hautes herbes.

D’après un membre de l’équipage du bateau, les puffins apprécient les humains presque autant que nous les adorons. La raison? On effraierait les skuas (labbes, en français, mais je trouve ça moins joli), des oiseaux prédateurs qui attaquent les macareux.

Ça bouge dans la colonie. Ça s’envole, ça crie, ça ramène des brindilles pour aménager le terrier…

J’ai essayé de me renseigner sur l’évolution des populations de macareux au Royaume-Uni, mais ce n’est pas une mince affaire, déjà parce que les inventaires sont compliqués et posent plein de problèmes méthodologiques: on peut compter les terriers occupés, mais ils sont parfois cachés; on peut compter les oiseaux, mais pas toujours facile vu l’emplacement et la taille de certaines colonies; ou on peut aussi estimer le ‘taux de productivité’ des couples, soit la part de poussins qui arrivent à l’âge adulte. Apparemment, on a pu observer un déclin général des colonies dès les années 90, mais ça dépend vraiment des sites. La situation est semble-t-il plus grave dans le Nord (Orkney, notamment) et l’Est de l’Ecosse (gros déclin sur l’île de May, vers Edimbourg, avant un coup de boost ces dernières années) qu’à l’Ouest.

Les causes des fluctuations peuvent être multiples. Certaines années, des pluies trop importantes peuvent inonder les terriers. Mais des problèmes plus globaux se présentent, comme les pénuries de lançons, les petits poissons qui forment la base de l’alimentation des puffins. A St Kilda (une île désormais inhabitée au large des Hébrides extérieures), les pufflings (nom donné aux poussins macareux, si c’est pas trop mignon) meurent de faim car leurs parents ne trouvent plus assez de poissons, ou doivent se tourner vers des espèces bien moins nutritives. Et le changement climatique risque d’aggraver les choses, car les hivers chauds modifient la distribution de ces poissons (en affectant le cycle des marées, le régime de plancton et bien plus), ce qui fait aussi que les macareux ne pêchent parfois plus au bon endroit… A long terme, l’érosion des côtes représente elle-aussi une énième menace. Bref, c’est pas tout rose au pays des oiseaux marins…

Pour essayer de mieux comprendre l’évolution du régime alimentaire de nos amis au bec coloré (soit dit en passant, leur bec n’est coloré que durant la période de reproduction), la RSPB a lancé “Project Puffin“, un projet de crowdsourcing. L’idée? Demander aux ornitho-photographes de partager leurs clichés de puffins qui rentrent au nid le bec rempli de poissons. Les images sont ensuite analysées pour déterminer le type de poissons, la quantité, etc. Un bon moyen de valoriser des photos, je trouve!

Et qui sait, peut-être que j’aurai moi aussi l’occasion de participer à ce projet citoyen dans quelques mois! Eh oui, car le plan pour cet été, c’est cap sur Shetland! En espérant que José pourra y voir ses premiers puffins… 😉 L’archipel accueille également (liste absolument pas exhaustive) sternes arctiques, skuas, fous de Bassan à gogo, une sous-espèce de troglodyte qui niche dans les murs de pierre sèche (bah oui, car il n’y a pas franchement d’arbres, là-bas ^^), des guillemots, des phoques gris et communs, des loutres, des sites archéologiques de ouf et, parfois (et de plus en plus fréquemment en été), des orques! Bref, je me réjouis de découvrir ces îles, avec leur vent à décoiffer les poneys shetland! Mais avant ça, j’ai encore plein d’aventures écossaises de l’été dernier à raconter… 😉

Itchy puffin sur l’île de Staffa, juste à l’est des Treshnish isles.

Bien sûr, il faut aussi que je vous montre à quoi ressemblent Iona, les Treshnish isles et Staffa, des endroits vraiment magnifiques… et qui abritent bien plus que “juste” des puffins! Mais ce sera pour un prochain article! En attendant, je vous mets le lien vers quelques minutes de vidéo filmées sur Lunga, pour se rendre un peu compte de l’ambiance (notamment en ce qui concerne le bruit!).

P.S. Joyeuse Saint Patrick!

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