Scot23#6 Chasing dragonflies

Bonjour! 🙂
L’article d’aujourd’hui est dédié à mon travail de terrain en Ecosse en 2023, donc préparez-vous à être inondés de photos de libellules, héhé!

Mon doctorat était la raison de notre présence en Ecosse entre mai et septembre 2023. J’avais l’opportunité d’effectuer un séjour de recherche à l’étranger, et je n’en reviens toujours pas d’avoir pu conjuguer deux de mes grandes passions: l’Ecosse et les libellules.

Grâce à des contacts de mon directeur de thèse, j’ai pu élaborer une étude de cas en lien avec l’Eddleston Water Project, un beau projet de “Natural Flood Management” visant à réduire les risques d’inondations dans le bassin versant de la rivière Eddleston. Financé par le gouvernement écossais et mené par Tweed Forum, le projet a permis la renaturation d’écosystèmes pour améliorer la capacité du paysage à retenir l’eau en amont, avant qu’elle n’inonde Eddleston et Peebles. Voici une petite vidéo de 5 minutes pour ceux qui sont intéressés à en savoir plus sur le projet.

Dans le cadre de ce projet, des bouts de la rivière Eddleston ont été restaurés, des “leaky woody dams” ont été construits, des centaines de milliers d’arbres ont été plantés… et plus d’une trentaine d’étangs ont été créés. C’est bien sûr ces derniers qui m’intéressaient particulièrement pour mon étude. Je me suis penchée sur la contribution de ces étangs à la biodiversité aquatique du pondscape (“paysage d’étangs”). Pour ce faire, j’ai inventorié les communautés de libellules d’une vingtaine d’étangs, dont une moitié d’étangs créés spécialement pour la réduction du risque de crues, et une autre moitié constituée d’étangs qui existaient avant l’Eddleston Water Project.

J’avais déjà effectué des inventaires de libellules durant mon master, puis durant mon travail d’assistante à HEPIA, mais c’étaient les premiers relevés de libellules adultes que je faisais spécifiquement pour ma thèse. Ça m’a fait tellement plaisir de renfiler les waders et de partir à la chasse aux libellules, armée de mon filet et de mon appareil photo. J’apprécie particulièrement la photographie pour l’identification (j’ai un super objectif macro acheté exprès pour ça durant mon master), mais parfois il est nécessaire d’attraper les individus pour les déterminer. Dans ce cas-là, hop, on attrape la libellule dans un filet à papillons et on la saisit délicatement par les ailes le temps de la regarder de plus près (à la loupe de botaniste si besoin), avant de la relâcher.

Mon étude se focalisait sur les libellules adultes, plus rapides à inventorier, mais j’ai également échantillonné des larves sur un subset d’étangs. Je récoltais aussi des exuvies (les “peaux” laissées par les libellules lorsqu’elles émergent et passent du stade larvaire au stade adulte) et je prenais des notes sur la végétation aquatique et l’utilisation du sol autour des étangs, entre autres variables environnementales.

J’ai effectué quasi tout le terrain toute seule, mais j’ai quand même eu de la compagnie un jour de mai, lorsque mes deux superviseurs locaux, Chris (uni de Dundee) et Jennifer (Edinburgh Napier Uni) sont venus échantillonner des larves avec moi, accompagnés de leur collègue Rob. C’était plus facile de se retrouver pour du “terrain larves”, puisque celui-ci ne dépend pas de la météo, contrairement aux adultes, qui ne s’inventorient que lorsqu’il fait beau.

J’étais donc tout le temps en train de vérifier les prévisions météo pour planifier mon terrain. Pour la première campagne, aucun problème: on n’a pas vu une seule goutte de pluie durant le mois de mai! Cette année-là, l’Ecosse a connu un tel déficit de précipitations printanières que deux des étangs que j’avais sélectionnés étaient carrément secs. En août, c’était plus compliqué, car on a eu plusieurs semaines froides et pluvieuses. Heureusement, j’ai quand même réussi à faire tout mon terrain dans la deuxième partie du mois, durant laquelle la météo était plus clémente.

Ce qui était très pratique, c’est qu’il me suffisait d’aller dans le jardin de Nether Linnfall (là où on logeait, voir cet article) pour vérifier les conditions in situ et voir si “ça volait” au-dessus de mon “étang témoin”. 😉 Si c’était le cas, je sautais dans la voiture direction le terrain. Et sinon, ça me faisait une micro-balade pour me dégourdir les jambes avant de retourner bosser devant l’ordi ou la loupe binoculaire.

J’avais pu transformer la cuisine de l’AirBnB en petit labo, pratique pour déterminer les larves et exuvies récoltées. A la fin du séjour, j’ai aussi pu accéder au labo d’Edinburgh Napier University, pour identifier les spécimens trop petits ou aux critères trop minuscules.

En ce qui concerne l’échantillonnage des larves, je suivais un protocole déjà utilisé dans plusieurs autres projets d’HEPIA, dont voici les étapes grossières: D’abord, on prend un filet pour effectuer des va-et-vient énergiques dans l’eau. Ensuite, on verse le contenu du filet dans un bac blanc avec de l’eau. Puis, c’est l’heure du tri! Avec une pince, on récupère les individus qui nous intéressent (dans mon cas, tous les odonates), qu’on stocke dans des flacons d’alcool. L’avantage de trier sur du “matériel vivant”, c’est qu’on peut ensuite relâcher les petites bêtes qui ne sont pas incluses dans l’étude. Pour finir, on identifie les individus récoltés en labo, sous la loupe binoculaire. (Bon, ma méthode préférée, ça reste les odonates adultes, puisqu’on n’a pas besoin de conserver les spécimens, tout peut s’identifier direct sur le terrain!)

Larves et exuvies sous la loupe

Même si je ne gardais que les larves de libellules pour mon étude, je notais tous les groupes de macroinvertébrés aquatiques rencontrés, pour information. J’ai aussi pris plein de petites vidéos sur le terrain et j’espère prendre un jour le temps de les éditer. J’ai notamment des clips d’une belle larve de dytique (un coléoptère aquatique) se baladant dans le bac de tri!

La beauté du terrain, c’est qu’en plus d’observer plein de libellules, on croise en général une flopée d’autres trucs très chouettes. Je m’émerveillais devant les tapis de sphaigne des tourbières, les étendues de linaigrette et autres belles fleurs. En plus des habituels cygnes, poules d’eau, busards et oies et d’un occasionnel faucon crécerelle, j’ai aussi pu admirer un groupe de jeunes mésanges à longue queue — j’étais gaga, car je les trouve vraiment irrésistibles! J’ai aussi vu une famille de troglodytes vraiment trop choue, et un cincle plongeur sur la rivière Eddleston. Ah, et aussi des épreintes de loutre (pas d’observation directe pour cette fois-ci, malheureusement, mais c’est déjà super de savoir qu’elles sont dans le coin!). 🙂

Bien sûr, vu la quantité de pâturages dans les environs, j’étais souvent accompagnée de moutons et de vaches, et même parfois de chevaux! Si les moutons ont généralement l’habitude de fuir à mon arrivée (tandis que moi j’évite les vaches qui me lancent de sales regards), ce n’était pas le cas de mes amis équins. Lors de ma première visite de “l’étang des chevaux”, je me suis fait escorter par trois-quatre chevaux bien curieux qui ne voulaient plus me lâcher, haha. Ils me poussaient gentiment dans le dos avec leur tête, et il y en a même un qui a essayé de mâchouiller mon sac! ^^ J’ai une petite vidéo de ce moment, il faudra vraiment que je la partage un jour. J’ai également des clips de perdrix ou faisans sur la route, courant paniqués devant la voiture plutôt que de se réfugier sur le côté. ^^ Je rencontrais aussi des lièvres quasi quotidiennement, ce qui me faisait toujours très plaisir.

Un jour, je suis également tombée sur une araignée en train d’embaumer un tandem de Coenagrion puella s’étant pris dans sa toile. Elle travaillait si rapidement, c’était impressionnant!

Mes journées de terrain étaient bien remplies et j’ai vite développé une routine. Au réveil, je prenais le petit-déjeuner avec José (qui se levait avant moi pour bosser à l’heure suisse) puis j’allumais l’ordi pour traiter mes e-mails, planifier le terrain, contacter les proprios des jours suivants pour les prévenir de mon passage, et autres tâches informatiques. A 10h, je partais pour le terrain et j’enchaînais les relevés, avec une mini pause lunch vers 13h (en général max 15 minutes, pour ne pas perdre du temps pendant les heures chaudes, idéales pour l’observation des libellules). Après quatre ou cinq étangs (selon leur taille et difficulté d’accès, et selon la météo, car quand il y a du vent ou des nuages, il faut attendre que ça passe), il était en général 17h et l’heure de rentrer à la maison. Mais ma journée ne s’arrêtait pas là: Je prenais encore le temps de rentrer toutes les données du jour dans mon tableau Excel et de décharger et trier les photos, avant de vérifier et adapter le planning du lendemain en fonction de mon progrès de la journée. Douche, repas, dodo et on recommence! 😉

Sur le terrain, lorsque les conditions météo ne remplissaient pas les critères du protocole pour l’inventaire des libellules adultes, il fallait attendre. J’en profitais alors pour chercher des exuvies, remplir mes fiches de variables environnementales et, bien sûr, prendre des photos! Lors d’une matinée particulièrement grisouille, j’ai eu le bonheur de trouver un tandem d’Aeshna juncea au milieu des joncs (ça tombe bien, le nom français de cette espèce est “aeschne des joncs”). Le couple a posé devant l’objectif et j’ai pu le photographier sous toutes les coutures, héhé. J’étais particulièrement contente car c’est une espèce que je croisais surtout en vol et dont j’avais donc de la peine à tirer le portrait.

Je garde de si bons souvenirs de ce moment que j’ai choisi une des photos de cette matinée-là pour décorer la coque de protection de mon natel, héhé.

Un jour, en plus de cueillir des exuvies, je suis tombée sur une cueillette un peu plus alléchante: des framboises! Heureusement, il me restait un flacon pour en ramasser quelques-unes et en ramener à José. 🙂

Et alors, qu’ont donné mes résultats? Eh bien, pour faire court, ils ont montré que créer des étangs pour réduire les risques d’inondations pouvait tout à fait apporter des bénéfices pour la biodiversité aquatique, notamment en renforçant les populations de libellules! Les étangs créés par Tweed Forum se sont avérés particulièrement riches en odonates, grâce à plusieurs facteurs importants: un substrat naturel, une bonne qualité de l’eau et la présence de végétation dans les étangs et autour, notamment. Pour en savoir plus, il faudra attendre la sortie de mon article scientifique sur le sujet, pour l’instant en cours de révision. 😉

D’un point de vue personnel, cette étude de cas a représenté une bouffée d’air frais et m’a clairement aidée à tenir le coup jusqu’au bout du doctorat. Même si j’étais pas mal crevée lors des campagnes de terrain, c’était une fatigue physique, si différente de la fatigue mentale (et dorsale ^^) des journées passées devant l’ordi à rédiger du code et des manuscrits.

Rien que le fait d’être en Ecosse et de loger à la campagne faisait un bien fou au moral et offrait un changement de décor bienvenu. Après les longues journées de terrain, le Perskindol venait à la rescousse de mes chevilles fatiguées par la marche en waders au milieu des “tussocks”. Et pour les journées à l’ordi (notamment les longues journées stressantes de préparation de ma présentation pour SEFS13, une conférence à Newcastle dont je vous parlerai dans un prochain article), il y avait les repas dans le jardin et les petites balades ou excursions le soir et les week-ends pour se changer les idées. ♡

Et voilà, c’est la fin de cet article “spécial boulot” (mais quel beau boulot, franchement ♡)! Dans les prochains, je vous raconterai d’autres aventures en Ecosse et dans le nord de l’Angleterre! 😉
Merci et à bientôt!

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